Angèle Malâtre-Lansac est Directrice déléguée à la Santé à l’Institut Montaigne. Le programme Santé qu’elle anime a pour objectif de réunir l’ensemble des parties prenantes du secteur de la santé : professionnels, patients, industriels, chercheurs, payeurs, hauts fonctionnaires, prestataires de soins… afin de décrypter, anticiper, comparer et proposer pour faire bouger les lignes de notre système de santé en s’inspirant des meilleurs exemples français et internationaux.
“La pandémie de Covid-19 met en lumière les forces mais aussi les fragilités de nos systèmes de santé. Dans tous les pays de l’OCDE, la multiplication des maladies chroniques comme le vieillissement des populations et les développements technologiques mettent au défi la soutenabilité des systèmes. Les dépenses de santé ne cessent d’augmenter (17 % du PIB aux Etats-Unis, 12% en France), la valeur créée pour les patients ne semble pas suivre, avec la montée des déserts médicaux, des innovations de moins en moins accessibles, des soins encore peu personnalisés, peu de prévention. Si les dépenses augmentent sans créer de valeur supplémentaire, ou si peu, c’est que la dépense n’est pas bien orientée et que les incitations envoyées aux acteurs de la santé ne sont pas les bonnes. Les études montrent que près de 30% des dépenses de santé sont inefficaces, voire nuisibles, alors même que l’accès aux dernières innovations reste limité pour la majorité des patients.
Comment changer de paradigme et s’assurer que nos systèmes de santé incitent à créer davantage de valeur pour les patients (value-based healthcare) et évitent les actes inutiles et les gaspillages ? A l’heure où nous traversons une crise sanitaire sans précédent, il est plus que jamais essentiel de concentrer nos efforts et nos dépenses sur la qualité des soins et les innovations et d’arrêter de rémunérer les acteurs à la quantité d’actes produits sans tenir compte de leurs performances.
La bonne nouvelle est que nous disposons aujourd’hui de données précises qui nous permettent de mesurer la valeur créée par les acteurs de la santé, mais aussi des moyens de les interpréter grâce au développement de l’intelligence artificielle. Le value-based healthcare est rendu possible par la collecte de données en vie réelle et de données émanant directement des patients. Vous a-t-on déjà demandé, après une intervention chirurgicale, si les résultats correspondaient à vos attentes ? Si votre qualité de vie était satisfaisante ? Comment vous aviez vécu cette « expérience » ? Ces données, appelées Patient reported outcomes (PROMs) et Patient reported experience (PREMs), sont essentielles pour mesurer la qualité des soins et des innovations et s’assurer que chaque acteur de santé créée de la valeur pour les patients.
Les données de santé, qu’elles soient cliniques, génomiques, issues des objets connectés, d’applications mobiles, des PROMs et des PREMs, doivent être au cœur de la réflexion sur le pilotage des systèmes de santé. Grâce à elles, nous pourrons rémunérer et inciter les acteurs à davantage de qualité, permettre une évaluation des innovations plus agile, encourager les collaborations entre les acteurs et donner aux patients l’information dont ils ont besoin pour s’orienter et choisir leur parcours de santé en fonction de leurs besoins et de leurs préférences.
Remettre le patient au cœur du système de santé, tel est l’impératif !”